Mort pour avoir refusé de se coucher, le tragique destin de Battling Siki, 1er Africain champion du monde de boxe
Battling Siki. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Mais le premier champion africain de l'histoire de la boxe anglaise a marqué son époque. Avant de sombrer, victime d'un système qui lui a fait payer cher son succès.
Bien avant que Francis Ngannou ne réussisse à envoyer au tapis Tyson Fury, un autre Africain s'est signalé dans le monde de la boxe anglaise : Battling Siki. Né au Sénégal avant d'arriver en France et de défendre la bannière tricolore lors de la Première Guerre mondiale, le pugiliste a réussi un exploit : battre Georges Carpentier devant son public pour devenir le 1er Africain champion du monde de l'histoire du Noble Art. Mais cette prouesse, aussi contestée soit-elle, a précipité sa chute. Récit d'une histoire tragique.
Battling Siki, un parcours rempli de mystères
Né le 22 septembre 1897 à Saint-Louis (Sénégal), Amadou Fall (son vrai nom) arrive en France vers ses 11 ans dans des circonstances assez troubles. Certains disent qu'il a traversé la mer seul dans un bateau, d'autres qu'il a été emmené par une danseuse hollandaise qui l'aurait repéré dans son pays natal. Toujours est-il que Fall débarque à Marseille en 1908. Plongeur pour un restaurant dans la cité phocéenne, il va alors découvrir la boxe, ce sport qui le propulsera au sommet avant de l'emmener au plus bas.
Mais ses premiers pas dans le Noble Art sont interrompus par la Première Guerre mondiale. Pourtant pas appelé à combattre, Siki s'engage volontairement. Il défendra ainsi la France au sein de différents régiments, ce qui lui vaudra de recevoir la médaille militaire à la fin du conflit.
L'ascension de Battling Siki
Lançant sa carrière dans la boxe anglaise après la Première Guerre mondiale, Battling Siki se fait rapidement connaitre des promoteurs et des acteurs du sport en battant des athlètes tels qu'Ercole Balzac ou Paul Journée. Mais si le monde du Noble Art le connait, le grand public ignore pourtant qui il est. Cela va définitivement changer le 24 septembre 1922.
À l'époque, Georges Carpentier est une véritable star. Champion du monde en titre chez les poids mi-lourds, le Français est opposé à son challenger, Battling Siki. "Une mise à mort programmée" selon les journaux de l'époque. Mais il n'en sera rien.
Battling Siki vs Georges Carpentier, le combat qui changea tout
Devant 40 000 personnes au stade Buffalo de Montrouge, Battling Siki est méconnaissable. Envoyé au tapis dans le 1er round, il ne réplique pas. L'arbitre lui demande même de faire preuve de plus de combativité. Dans la 2e reprise, encaissant des coups plus violents de la part de Carpentier, il commence enfin à sortir de sa torpeur.
Se relevant d'un knockdown dans le 3e round, il va alors faire payer Carpentier. Le Français est matraqué de coups, acculé dans les cordes. Son oeil gauche se ferme et sa lèvre est arrachée. Envoyé au tapis dans la 6e reprise, il ne se relèvera pas. Mais l'arbitre annonce sa décision : disqualification de Siki pour un croc-en-jambe. Le public, qui s'est pris d'affection pour le Sénégalais, conspue alors l'officiel. Celui-ci se ravise et accorde la victoire à Siki, le consacrant à tout jamais comme le 1er Africain champion du monde de l'histoire.
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La polémique
L'euphorie n'est que de courte durée. La victoire de Tiki est vue comme un affront. Dans la presse et dans le monde politique, on dépeint le Sénégalais comme un "nègre" qui menace l'équilibre colonial alors en place. Une vague de critiques racistes, mais pas que. Après son succès, Tiki cède à l'appel des soirées. Fêtes, alcool... Autant de vices qui poussent la Fédération Française de boxe à lui retirer ses titres. Le boxeur est alors un paria. Mais un homme va tout changer : le député Blaise Diagne.
Porte-parole des Sénégalais en France, Diagne balance tout. Le combat contre Carpentier était truqué. Une information que Battling Siki confirme lors d'une soirée en prononçant la célèbre phrase : "et dire que je devais me coucher pour Carpentier...". En effet, Siki était placé là pour faire briller un Carpentier vieillissant. Mais les coups trop appuyés du Tricolore ont fait sortir le Sénégalais de ses gonds. Après plusieurs semaines de débats enflammés, il récupère finalement ses titres.
Une fin tragique
Mais le mal est fait. L'image de Siki est salie. Perdant ses titres en Irlande par la suite, il migre aux États-Unis pour tenter de se relancer. Le 15 décembre 1925, il est retrouvé mort dans le quartier de Hell's Kitchen à New York, deux balles dans le corps. L'enquête n'aboutira jamais. Mais les hypothèses sont nombreuses. Crime raciste, rencontre malencontreuse dans un bar... Mais aussi assassinat par la mafia pour avoir refusé de se coucher sur un autre combat...